Cette semaine, notre benjamine est de retour à la maison, après 17 jours d’hospitalisation. Son petit corps meurtri s’est rétabli, mais on peut deviner que le combat a été rude. Sa condition psychologique est meilleure, avec quelques soucis qui vont en diminuant.
Un psychiatre de l’hôpital de Joliette comparait son Status Epilepticus du jeudi 24 octobre à un grave AVC (SE = arrêt respiratoire causé par une série ininterrompue de crises d’épilepsie). Il me confirmait que plusieurs personnes en décèdent ou demeurent avec des séquelles cérébrales permanentes. J’ai alors consulté ce que l’on en disait sur Internet dans le Wikipédia anglais.
Pronostic
Environ une personne sur cinq qui subissent un Status Epilepticus, sur un total de 42 000 par an aux États-Unis, vont mourir dans les 30 jours de leur SE. La grande majorité de ces personnes souffre d’une maladie sous-jacente du cerveau causant le SE, comme par ex. une tumeur au cerveau, une infection du cerveau, un traumatisme crânien ou un AVC. Toutefois, les personnes atteintes d’épilepsie diagnostiquée et qui font des crises d’épilepsie ont également un risque accru de décès si leur état n’est pas stabilisé rapidement, si leur médication et le régime de sommeil ne sont pas adaptés et respectés, et si le niveau de stress et d’autres stimulants (déclenchement des crises) ne sont pas contrôlés.
La combinaison de quatre facteurs ont probablement causé ce SE : sa disposition récente à faire beaucoup des crises d’épilepsie, le traumatisme crânien du 13 octobre, de la douleur subséquente et son manque de sommeil accumulé a entraîné cet état de détresse extrême. Le matin du 24 octobre, Antoine a eu la présence d’esprit d’appeler rapidement le 911, ce qui a probablement sauvé la vie de sa sœur.
Le retour
Depuis son retour il y a une semaine nous la sentons fragile. Et nous agissons en conséquence. La médication est prise religieusement aux 12 heures et nous la faisons dormir aussi longtemps qu’elle le désire. Nous évitons d’inviter des gens à la maison ou encore les sorties inopinées pour empêcher de perturber sa routine. Après le souper et le bain, elle dort au moins 14 heures par jour (de 18 h à 8 h). Lorsque je la réveille à 8 h, elle me demande de rester au lit. Après lui avoir raconté qu’aujourd’hui elle ira à la piscine, précédé de la musicothérapie ou de la zoothérapie, elle se lève alors lentement.
L’appétit
Elle a perdu 10 livres (4,4 kg) pendant son hospitalisation. Les premiers jours à la maison, elle refusait de manger. Son appétit a diminué, mais elle a quand même quelques réserves de Laporte. Elle a tellement mangé de soupes et de patates pilées à l’hôpital qu’à son retour elle me demande de lui servir de la soupe et des patates pilées, aliments qu’elle n’avait jamais mangés auparavant.
Les consignes
Après son traumatisme crânien, elle ne répondait plus aux consignes. Lorsque je lui demandais de fermer la portière de l’auto ou de boucler sa ceinture, elle était confuse. Elle n’avait aucune idée de ce dont je parlais. Même pendant les premiers jours de son hospitalisation, je lui demandais de lever sa jambe et elle levait le bras. Maintenant, son disque dur semble bien fonctionner. Je n’ai plus à répéter et elle répond vite et bien.
L’équilibre
Il est bon, sans être excellent. Fatiguée, elle vacille encore un peu et peut perdre pied facilement. Je ne la laisse jamais marcher seule, ni se déplacer dans la maison sans supervision. Je la revois chaque fois tombé dans la salle de bain le soir du 13 octobre. Je vais bientôt devoir consulter le psychiatre à mon tour…
Le camp de jour
Lundi dernier, sa première journée aux ateliers de jour a été catastrophique. Elle a dormi le matin et l’après-midi. À son réveil, elle était obsédée par le tic-tac de l’horloge à piles. Les intervenantes étaient un peu déprimées. Les trois jours suivants ont été plus heureux et nous la sentons lentement revenir à la normale.
Flash-back de psychoses
Pendant ce mois de perturbations, et les deux semaines de congés forcés, Anne et moi nous sommes rappelés les crises intenses que Gabrielle avait subies les années précédentes. Nous avions délibérément oublié ces moments difficiles où Gabrielle avait probablement vécu des événements psychotiques tels que l’on peut les identifier aujourd’hui.
La nuit du jour de l’an 1996 au chalet de ma sœur Hélène : Gabrielle est alors âgée de 5 ans, et réveillonne avec nous en somnolant sur un sofa. Après les habituels souhaits de minuit, je décide d’aller la coucher dans une chambre située juste en dessous de la salle familiale. Elle est passablement agitée, exacerbée par les bruits des jeunes à l’étage qui s’amusent à un jeu de société. Je décide de m’étendre sur le lit attenant pour tenter de la calmer. Elle est fatiguée et très agitée. Sa fureur devient tranquillement incontrôlable. Les bruits cessent quelques heures plus tard, mais elle ne dort toujours pas, tourmentée et fébrile. Voyant que la situation s’empire, je décide de partir au milieu de la nuit pour parcourir 90 minutes de route et rentrer au petit jour à la maison. Anne et les trois aînés reviendront le lendemain un peu surpris de mon coup de tête.
Les vacances d’Anne de février 2009 : Gabrielle est âgée de 18 ans. Pendant 2 semaines, Anne rend visite à notre fils Jean-Philippe, étudiant en Suède. Une dame qui s’occupe de Gabrielle depuis de nombreuses années veille sur elle la semaine de 7 h à 19 h. Et je prends le relais durant les deux fins de semaine. Gabrielle accepte mal le départ de sa mère et me le fait savoir. Les 2 week-ends seront éprouvants. Dans un excès de rage, pour la première fois, je la vois vider ses tiroirs et son garde-robe. Elle est terrifiée, ignorant même ma présence. Pour éviter qu’elle ne se blesse, je décide d’installer un crochet à sa porte pour qu’elle ne sorte pas la nuit. Elle hurle pendant des heures, demandant sans arrêt le retour de sa mère. Elle finit par s’endormir. Et le manège continue l’autre fin de semaine, et s’arrête au retour d’Anne.
Les vacances au spa de Noël 2010 : Nous décidons de passer un week-end dans un hôtel-spa des Laurentides avec mon fils Antoine, sa copine Dominique et Gabrielle. Nous avons réservé une chambre et une suite avec 2 chambres où Gabrielle pourra dormir dans l’autre pièce. Erreur. Elle hurle toute la nuit, refusant de dormir. Nous nous relayons à tour de rôle pour tenter de la calmer. Le lendemain nous coupons court à notre séjour pour retourner au chalet. La crise se continue pendant plusieurs jours, à un niveau encore jamais vu. Nous inversons la poignée de sa porte de chambre afin de placer le loquet à l’extérieur. Et nous la laissons faire le bordel. Ses meubles sont retournés, tous les objets sont au sol, avec au moins 30 cm de vêtements et de jouets. Elle refuse de dormir pendant plusieurs nuits. Heureusement un week-end de répit est prévu à la maison de Crabtree. Nous sommes soulagés. Les intervenantes à leur tour ne dormiront pas, se relayant à son chevet. Le deuxième soir, elle tombera de fatigue. Au retour, elle est redevenue calme.
De l’aide des services sociaux
Depuis son retour, j’avoue que notre boule d’anxiété dans l’estomac s’est tranquillement estompée. Les médecins nous ont confirmé que la récupération serait longue. La nuit, pour nous rassurer nous l’épions constamment grâce à la caméra sans fil installée dans sa chambre.
Pour obtenir de l’aide, nous avons contacté la travailleuse sociale de notre secteur qui est responsable du soutien à domicile des personnes handicapées ou en perte d’autonomie. Nous aimerions connaître les services qui sont offerts à proximité pour obtenir du soutien afin de nous permettre de souffler un peu. Notre invincibilité de parents modèles a été mise à rude épreuve. Et sans l’aide incroyable de nos enfants Laurence et Antoine (Jean-Philippe étant toujours au Kenya), je ne sais pas si nous aurions réussi un si beau sauvetage. Parce que les blessures ne sont pas seulement faites à l’enfant handicapé, mais aussi à ceux qui l’aiment.
je suis en admiration devant ce magnifique comportement fraternel et parental vous etes tous merveilleux gros bisous d Awenne/MIreille
Bonjour à vous tous,
Ce fut une très dure tempête, mais vous avez su mener la barque. Ça demande beaucoup d’énergie, de patience et d’amour. Toutes mes félicitations, vous avez toute mon admiration. Je ne sais pas si Gabrielle se souvient de moi, mais je lui envoie mes meilleurs bonjours. xxx
Quel courage, Benoit, Anne je suis avec vous en pensée, mes idoles. Je vous admire tellement. heureuse pour vous tous de ce retour à la maison. Vous allez vivre un tantinet de stabilité. Je vous embrasse fort fort isa.